Archives de Catégorie: Politique budgétaire

Croissance zéro : «Ce chiffre est une douche froide»

Les économistes Gérard Thoris et Jacques Delpla décryptent la croissance nulle en France au deuxième trimestre ainsi que la déprime de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises.

En parallèle avec Jacques DELPLA. Lire l’article sur LeFigaro.fr du 14 août 2015

 

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Le Grexit évité mais pour combien de temps… Puisque la dette grecque n’est pas remboursable ?

Les débats autour de le crise grecque portent essentiellement sur la dette, considérée par l’Europe comme étant un problème en soi. Pourtant, une grille de lecture plus pragmatique s’attarderait au vrai problème qu’elle implique : sa solvabilité.

Publié le 14 juillet 2015 sur Atlantico.fr

La Grèce est au bord du gouffre. Elle est incapable d’honorer les échéances de sa dette, d’abord au FMI depuis le 30 juin dernier ; ensuite auprès de ses autres créanciers. Elle vient d’obtenir une aide évaluée autour 75 milliards d’euros. Est-ce vraiment la fin du « Grexit ».

On voudrait être optimiste qu’on ne le peut pas. Les économistes de tous bords ont rendu les armes et ce sont les politiques qui prennent les décisions, comme s’il n’existait pas de « lois de l’économie ». L’aide des créanciers s’impose lorsqu’il s’agit d’une crise de liquidités. C’est d’ailleurs pour cela que le FMI a été créé, suite à la faillite du Kreditanstald de Vienne, en mai 1931. Elle ne peut venir à bout d’une crise de solvabilité.

Que la Grèce soit en crise de solvabilité ne fait aucun doute. L’effet boule de neige de la dette y bat son plein. En 2015, le taux d’intérêt implicite sur la dette est assez faible (2,4 %) mais, malgré les plans de restructuration, il porte sur 180 % du PIB. Donc les intérêts sur la dette représentent 4,3 % du PIB. En face, la croissance prévisionnelle y est, au mieux, nulle. Donc, le simple service des intérêts de la dette oblige à diminuer le niveau de vie des grecs de 4,3 % en 2015. A la fin de l’année, ils seront contents : ils auront payé les intérêts sur la dette mais seront toujours aussi endettés !

La proposition dont se réjouit le Président François Hollande est celle d’un reprofilage de la dette. En termes plus traditionnels, il s’agit d’un moratoire, sous la forme d’un allongement de la durée de maturité des prêts. A supposer que l’Eurogroupe l’accepte, ce qui n’est pour l’heure qu’une hypothèse, il s’agit simplement de desserrer un peu l’étreinte pour que le condamné souffre plus longtemps. Pour qu’il en soit autrement, il faudrait que la baisse du montant des échéances, intérêts et principal, soit telle qu’elle génère un mouvement de croissance conséquent.

La clé de la solvabilité, on l’aura compris, c’est une croissance nominale supérieure au montant des intérêts à payer en pourcentage du PIB. En supposant que, pour une fois, les prévisions de la Commission de Bruxelles s’avèrent exactes, la croissance de 2016 serait de 3,66 %. Il faudrait donc que le poids des intérêts soit ramené en dessous de ce chiffre pour que la Grèce puisse commencer à rembourser le principal. Et encore, cela suppose que les fruits de la croissance ne bénéficient pas à la population, mais seulement aux créanciers !

Alexis Tsipras signe aujourd’hui ce qu’il refusait d’avaliser hier, après un référendum qui lui a été particulièrement favorable. Est-ce que les conditions posées par l’Eurogroupe sont acceptables par les Grecs ?

Amusons-nous un instant. Certaines des conditions imposées à la Grèce pourraient être suggérées à la France. Il en est ainsi des « mesures pour améliorer la durabilité du système des retraites » ou le respect des dispositions des traités européens, par la mise en place de coupes quasi automatiques dans les dépenses en cas d’excèdent budgétaire, ou encore la privatisation du réseau de transports électrice ou la réforme du marché du travail !

Il y aurait beaucoup à dire, ligne par ligne, sur ces conditions. Mais il devrait être clair désormais que le déficit budgétaire est une atteinte à la justice intergénérationnelle lorsque la croissance est en panne. Les conditions imposées à la Grèce sont donc « de raison », même si elles ne sont pas raisonnables.

La vérité des chiffres est en effet très cruelle. On ne sait pas encore ce que va représenter l’augmentation de la TVA ni celle de l’impôt sur le revenu. Par contre, la Grèce est supposé privatiser des actifs et utiliser la moitié des sommes ainsi obtenues (évaluées à 25 Mrds€) pour recapitaliser les banques ! Le même accord prévoit que la directive européenne sur le renflouement des banques soit transposée dans la législation grecque. Cela veut dire que la prochaine crise bancaire sera à la charge au moins partielle des déposants.

L’efficacité du plan repose plus largement sur le fait que l’augmentation de la TVA et des impôts directs n’entraîne pas une diminution de la demande d’une part, un accroissement de l’économie souterraine d’autre part. On s’en doute, rien n’est moins sûr !

Quelles solutions alors peuvent découler de ce changement de focale ?

En bonne économie, une crise de solvabilité passe par la case « faillite » et apurement des dettes. C’est le cas pour n’importe quelle entreprise qui n’a pas été capable de valoriser son capital. L’idée que les Etats sont éternels et que les contribuables sont taillables et corvéables à tous les âges de la vie est une fiction lorsque la croissance et/ou l’inflation ne sont pas au rendez-vous.

La Grèce ne peut sortir de l’euro sans répudier ses dettes. Une dépréciation de la drachme se traduirait en effet immédiatement par une augmentation du poids de la dette exprimée en euros au-delà de l’insoutenable. C’est ce que tout le monde craint, dans le monde bancaire comme dans le monde politique qui lui est lié. L’attachement des Français à éviter le Grexit tient à la valeur d’exemple que cette première sortie engendrerait. A défaut de sortir de l’euro, que pourrait-on faire ?

Voilà cinq ans que nous défendons l’idée d’une remise des dettes publiques pour l’ensemble des pays de la zone euro. Elle permettrait de remettre les compteurs à zéro en portant les dettes sans collatéraux à l’actif de la Banque centrale. Au passif, on pourrait créer une ligne fictive « contribution de la BCE à la résolution de la grande crise européenne du XXI° siècle ». Le bilan serait équilibré. Fiction ? Oui. Mais a-t-on oublié que la contrepartie de la création monétaire, c’est la capacité de croissance économique qu’elle génère. L’opération de rachat de titres publics lancée par Mario Draghi au début de l’année 2015 relève quand même partiellement de cette logique pour les obligations publiques arrivant à échéance. Notre programme ne porte pas sur la marge, le renouvellement des prêts, mais sur la moyenne. Evidemment, l’opération initiée par Mario Draghi permet seulement d’assurer qu’il y aura un prêteur national en dernier ressort : la Banque centrale nationale. Elle ne résout pas le fonds du problème. Or, de manière très explicite, le protocole d’accord avec la Grèce ferme toute porte dans la voie d’une remise des dettes : « le sommet de la zone euro souligne que l’on ne peut pas opérer de décote nominale sur la dette ». C’est donc l’impasse.

Si nous pouvions arrêter de faire des prêts pour essayer de solder le passé, nous sauverions l’idéal de l’Union européenne. Cela nous mettrait parallèlement dans de bonnes conditions pour construire l’avenir

La fin de la monnaie manuelle ?

Avez-vous déjà pensé à vous faire implanter une puce intradermique ? Ce serait un nouveau moyen très pratique de « payer de sa personne ». Est-ce sans inconvénient ? A vous de réfléchir !

Publié dans La Croix du 29 juin 2015

La monnaie est un pouvoir. C’est un pouvoir de choix. C’est un pouvoir d’achat.

L’expérience commune est que, pour disposer de pouvoir d’achat, il faut commencer par offrir ses services sur le marché du travail et en retirer une rémunération. Ici, la monnaie est acquise en contrepartie d’une mise au service de la collectivité des talents reçus et exploités. Ensuite, chacun est libre d’en faire ce qu’il veut : c’est son pouvoir de choix.

En tant que pouvoir de choix, la monnaie oriente toute l’activité économique. Ce sont les votes exercés par les consommateurs avec leurs euros qui déterminent ce qui sera produit, en quelles quantités et, indirectement, à quel prix. Les innovations technologiques elles-mêmes sont tout entière suspendues à son verdict !

Mais la monnaie cache un autre pouvoir : celui de sa mise en circulation. Lorsque la monnaie était un métal précieux, le bénéfice de la mise en circulation monétaire allait à celui qui le découvrait. Les pouvoirs publics se contentaient d’y mettre leur effigie. Lorsque la monnaie est devenue fiduciaire (les billets), les bénéfices de la création monétaire allaient aux banques qui émettaient ces billets. Enfin, avec la monnaie scripturale (qui circule par les chèques et les cartes bancaires), les bénéfices de la création monétaire vont à toutes les banques dites de second rang (BNP Paribas, LCL, Société générale, etc.). Mais il faut noter que, dans les deux derniers cas, la monnaie était créée en contrepartie de nouvelles activités économiques. Comme le disait l’économiste français François Simiand : une des fonctions essentielles de la monnaie, « est de constituer une anticipation, disons mieux, une réalisation dès maintenant actuelle d’une richesse future ».

Aujourd’hui, tout cela est profondément remis en cause.

Les Etats sont endettés et leurs obligations sont achetées par les banques. Depuis le programme de rachat des obligations publiques par la Banque centrale européenne (quantitative easing), le déficit budgétaire est financé par la création monétaire. Mais il ne s’agit pas de préparer le futur, il s’agit d’essayer de solder les dépenses du passé. Comme les intérêts sur ces opérations sont extrêmement faibles, et dans l’hypothèse où il ne remboursera pas – et comment ferait-il ? – on peut dire que le bénéfice de la création monétaire revient à l’Etat.

Maître de la création monétaire, l’Etat vise au contrôle de la circulation monétaire. Le système socio-fiscal a été conçu au bénéfice des citoyens. Il est aujourd’hui une formidable machine à distribuer du pouvoir d’achat ici, à en retirer là. Ce n’est jamais dans la moyenne qu’il faut juger d’une politique socio-fiscale, mais dans la multitude des exemptions qui accompagnent des situations particulières. Qui pourrait, même en utilisant les services des moteurs de recherche, faire la synthèse de toutes les transformations marginales du système socio-fiscal français, ne serait-ce que depuis 2012 ? Entre le principe de la neutralité fiscale et l’exigence de justice sociale, le curseur s’est largement déplacé. Il est vrai qu’un ministre du budget cesserait d’exister s’il souhaitait inverser la tendance !

Cependant, la concurrence entre les monnaies fait que l’on peut encore échapper aux prélèvements obligatoires en utilisant la monnaie manuelle plutôt que scripturale. Le rêve de tout homme politique est d’élargir son pouvoir sur la circulation monétaire en interdisant la première et nous avançons à grands pas dans cette direction. La France travaille sur les deux extrêmes : en demandant que les billets de 500€ soient supprimés et en autorisant le paiement par carte bancaire en dessous de 15€. Le Danemark devrait interdire prochainement tout paiement en espèces et la plupart des pays s’orientent dans des voies similaires. Bien entendu, pas question de parler de pouvoir sur la circulation monétaire ; le motif officiel était hier de lutter contre la fraude fiscale ; on y ajoute aujourd’hui la lutte contre le terrorisme.

Pourtant, considérons un instant le monde qui se dessine derrière cette transformation de la monnaie qui en fera une chose totalement virtuelle.

Le paiement est totalement dématérialisé, mais il est totalement identifié. Toutes les dépenses quelles qu’elles soient laissant désormais une trace électronique, la liberté d’aller et venir est désormais une liberté sous surveillance. Qui dira qu’il n’y a aucun risque que, demain, elle devienne une liberté sous contrôle ?

La liberté de choix est dans la nature même de la monnaie. Qui dira que, demain, elle ne soit sous contrôle électronique ? Ainsi, il devient possible d’interdire à un jeune de moins de 18 ans de payer ses achats d’alcool avec sa carte bancaire ou son Smartphone. Evidemment, il devient également possible d’interdire d’acheter un spectacle ou une publication considérés comme attentatoires à quelque grand principe. Hier, les principes étaient intangibles ; aujourd’hui, ils dépendent d’une majorité politique. Qu’y a-t-il au bout du bout de leurs mutations ?

Le pouvoir d’achat lui-même pourrait être bloqué à un certain niveau de dépense par personne, soit globalement, soit par produit. Est-ce un cauchemar ? Le rapport Meade, paru en 1978, préconisait un impôt sur la consommation dont la mise en œuvre supposait, justement, la suppression de la monnaie manuelle. Après quoi, ce n’est plus qu’une question de taux.

Encore faut-il s’assurer de la cohérence entre la personne physiquement présente et le titulaire effectif du moyen de paiement. Avec la puce intradermique, la boucle est bouclée : votre moyen de paiement, c’est votre personne même. Pratique, non ?

 

 

BCE, dette, Syriza : décryptage d’une tragédie grecque

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La banque centrale européenne a décidé ce mercredi 4 février de priver les banques grecques d’une partie de leurs sources de financement. Les choses s’accélèrent : le premier ministre Alexis Tsipras est désormais entre le marteau de la BCE et l’enclume des urnes… ou inversement !

Lire la suite dans LeFigaro.fr-Vox Economie du 5 février 2015

Zone euro: annulons les dettes publiques

La crise des dettes publiques en zone euro reste entière. Pourquoi ne pas annuler ces dettes ? La proposition est iconoclaste. Mais l’économiste Gérard Thoris y voit la condition pour permettre aux pays de l’Europe du Sud de construire un avenir. Et le préalable à un saut fédéral.

Lire sur le site de la revue Projet