Archives de Catégorie: Banque centrale

Le pape François danse avec les loups

A quoi sert de protéger la planète si elle finit par être peuplée de cyborgs qui obéissent au doigt et à l’œil à un pouvoir qui est directement connecté sur leur cerveau ?

« Le pape François danse avec les loups »

La Croix du 31 août 2015

Pénitence ! Repentance ! Décroissance ! Dans un monde sans transcendance, on comprend qu’il est impossible d’imposer quelque limite que ce soit à la liberté de l’homme. La démocratie elle-même confirme cet asservissement du pouvoir législatif à la volonté populaire. Le fait que, dans un pays comme la France, la dette publique égale un an de production montre à quel point les parlementaires sont incapables de résister à la pression de leur électorat. C’est alors qu’entre en scène la double hypothèse d’un réchauffement climatique exponentiel d’une part, de l’origine anthropique de ce réchauffement supposé d’autre part. Les hommes politiques s’en saisissent au travers d’une structure intergouvernementale (GIEC) pour essayer de reprendre le pouvoir sur l’opinion publique.

Pénitence : vous avez épuisé la planète par vos prélèvements inconsidérés. Désormais, il vous faudra modérer vos envies et vous engager dans un mode de consommation plus sobre, rouler moins vite, arrêter le climatiseur, etc. Repentance : en fait, ce sont les pays développés qui ont épuisé les ressources naturelles et saturé l’atmosphère de CO2. Il faut donc qu’ils dédommagent les pays qui n’ont pas connu de développement économique. Décroissance : on ne sait pas très bien ce qu’il y a derrière ce mot, mais il sonne bien. Concrètement, il s’agirait de diminuer le volume de la consommation par tête… ou de diminuer le nombre de têtes !

Un collège d’experts définit une doctrine dont il clame le fondement scientifique. Les hommes politiques la reçoivent pieusement ; ils la transmettent à leurs électeurs dans une rhétorique qui relève surtout de la répétition. Il ne manque plus qu’une liturgie : ce sont les sommets sur le climat. On le voit, après la religion de la progression indéfinie, voici la nouvelle religion de la régression !

A ce stade, on ne voit pas bien pourquoi le pape François a cru devoir intervenir dans le débat au travers de son encyclique Laudato si’. Si l’hypothèse scientifique d’un réchauffement climatique d’origine anthropique se transforme demain en certitude, l’onction spirituelle qu’il donne implicitement à ce qui sera devenu un fait est inutile. Si cette hypothèse scientifique n’est pas vérifiée, on se retrouve avec une sorte d’affaire Galilée à l’envers : l’Eglise catholique, au sommet de sa hiérarchie, prend fait et cause pour une erreur scientifique. D’autant que, a priori, le pape n’a aucun besoin de cette théorie pour prôner une consommation responsable, le respect, voire l’amour de la nature, la solidarité entre tous les vivants : toute l’écriture sainte y conduit ! A moins que son projet ne soit pas celui de la conversion spirituelle de l’homme, mais celui du contrôle politique de sa consommation ! Il faut le dire en effet, dans cette encyclique écrite à plusieurs mains, il y a des paradigmes bien contradictoires.

Pendant ce temps-là, le projet Open Worm travaille à recréer artificiellement le comportement de l’ascaris commun, un petit ver non parasitaire ; la simulation de sa structure neuronale permet déjà de contrôler un robot Lego ! Ce n’est évidemment qu’un prélude puisque le projet européen Human Brain a pour objectif de mieux comprendre le cerveau mais de l’homme cette fois et, à nouveau, de le simuler. Chez Google, Ray Kurzweil travaille à l’hybridation de la pensée biologique et non biologique ; il s’agit d’une étape vers cette réalité humaine augmentée qu’est le transhumanisme. A Guangzhou, en Chine maintenant, l’équipe du Dc Huang, de Sun Yat-Sen University a annoncé avoir tenté de modifier le génome d’embryons humains. On le voit, pour qui veut une écologie intégrale, il y a un énorme travail pour tenter de définir ce qu’est un être humain en tenant compte des nouvelles découvertes scientifiques. Il y a un enjeu extraordinaire à comprendre ce qu’est réellement la liberté alors qu’on découvre de façon de plus en plus précise le chemin de la décision dans le cerveau humain. Comme dans notre relation à la nature, il y a des limites à ne pas dépasser car elles mettent en danger l’homme lui-même et il est indispensable d’apprendre à les repérer. Car, à l’arrivée, à quoi sert de protéger la planète s’il elle finit pas être peuplée de cyborgs qui obéissent au doigt et à l’œil à un pouvoir qui est directement connecté sur leur cerveau !

Saint François d’Assise a délivré les habitants de Gubbio de la fureur d’un loup qui dévorait bêtes et gens. Il l’a fait d’une manière étrange en instaurant, entre le loup et les habitants de la ville, quelque chose qui ressemble davantage à une rançon qu’à un contrat ! S’il joue sur plusieurs registres, le pape François n’en pactise pas moins avec les loups malthusiens qui rançonnent la population d’impôts nouveaux – même s’il ne partage pas l’idée qu’il y a trop d’hommes sur terre. Il en oublie même qu’il y a des loups bien plus dangereux qui ont pour projet de dévorer l’homme de l’intérieur en le privant de sa liberté et donc de sa capacité à louer le créateur !

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La redevance audiovisuelle, le dilemme fiscal du gouvernement

Le gouvernement envisage d’élargir la redevance aux propriétaires d’écrans autres que télévisuels. Une mesure qui pourrait lui éviter d’augmenter de manière trop «visible» cet impôt.

Un retour à la théorie économique dans LeFigaro.fr du 25 août 2015

Tout était clairement écrit dès 2007 sous le titre : « la redevance audiovisuelle peut-elle être assimilée à une vente liée ? », Débat 2007 .

 

La fin de la monnaie manuelle ?

Avez-vous déjà pensé à vous faire implanter une puce intradermique ? Ce serait un nouveau moyen très pratique de « payer de sa personne ». Est-ce sans inconvénient ? A vous de réfléchir !

Publié dans La Croix du 29 juin 2015

La monnaie est un pouvoir. C’est un pouvoir de choix. C’est un pouvoir d’achat.

L’expérience commune est que, pour disposer de pouvoir d’achat, il faut commencer par offrir ses services sur le marché du travail et en retirer une rémunération. Ici, la monnaie est acquise en contrepartie d’une mise au service de la collectivité des talents reçus et exploités. Ensuite, chacun est libre d’en faire ce qu’il veut : c’est son pouvoir de choix.

En tant que pouvoir de choix, la monnaie oriente toute l’activité économique. Ce sont les votes exercés par les consommateurs avec leurs euros qui déterminent ce qui sera produit, en quelles quantités et, indirectement, à quel prix. Les innovations technologiques elles-mêmes sont tout entière suspendues à son verdict !

Mais la monnaie cache un autre pouvoir : celui de sa mise en circulation. Lorsque la monnaie était un métal précieux, le bénéfice de la mise en circulation monétaire allait à celui qui le découvrait. Les pouvoirs publics se contentaient d’y mettre leur effigie. Lorsque la monnaie est devenue fiduciaire (les billets), les bénéfices de la création monétaire allaient aux banques qui émettaient ces billets. Enfin, avec la monnaie scripturale (qui circule par les chèques et les cartes bancaires), les bénéfices de la création monétaire vont à toutes les banques dites de second rang (BNP Paribas, LCL, Société générale, etc.). Mais il faut noter que, dans les deux derniers cas, la monnaie était créée en contrepartie de nouvelles activités économiques. Comme le disait l’économiste français François Simiand : une des fonctions essentielles de la monnaie, « est de constituer une anticipation, disons mieux, une réalisation dès maintenant actuelle d’une richesse future ».

Aujourd’hui, tout cela est profondément remis en cause.

Les Etats sont endettés et leurs obligations sont achetées par les banques. Depuis le programme de rachat des obligations publiques par la Banque centrale européenne (quantitative easing), le déficit budgétaire est financé par la création monétaire. Mais il ne s’agit pas de préparer le futur, il s’agit d’essayer de solder les dépenses du passé. Comme les intérêts sur ces opérations sont extrêmement faibles, et dans l’hypothèse où il ne remboursera pas – et comment ferait-il ? – on peut dire que le bénéfice de la création monétaire revient à l’Etat.

Maître de la création monétaire, l’Etat vise au contrôle de la circulation monétaire. Le système socio-fiscal a été conçu au bénéfice des citoyens. Il est aujourd’hui une formidable machine à distribuer du pouvoir d’achat ici, à en retirer là. Ce n’est jamais dans la moyenne qu’il faut juger d’une politique socio-fiscale, mais dans la multitude des exemptions qui accompagnent des situations particulières. Qui pourrait, même en utilisant les services des moteurs de recherche, faire la synthèse de toutes les transformations marginales du système socio-fiscal français, ne serait-ce que depuis 2012 ? Entre le principe de la neutralité fiscale et l’exigence de justice sociale, le curseur s’est largement déplacé. Il est vrai qu’un ministre du budget cesserait d’exister s’il souhaitait inverser la tendance !

Cependant, la concurrence entre les monnaies fait que l’on peut encore échapper aux prélèvements obligatoires en utilisant la monnaie manuelle plutôt que scripturale. Le rêve de tout homme politique est d’élargir son pouvoir sur la circulation monétaire en interdisant la première et nous avançons à grands pas dans cette direction. La France travaille sur les deux extrêmes : en demandant que les billets de 500€ soient supprimés et en autorisant le paiement par carte bancaire en dessous de 15€. Le Danemark devrait interdire prochainement tout paiement en espèces et la plupart des pays s’orientent dans des voies similaires. Bien entendu, pas question de parler de pouvoir sur la circulation monétaire ; le motif officiel était hier de lutter contre la fraude fiscale ; on y ajoute aujourd’hui la lutte contre le terrorisme.

Pourtant, considérons un instant le monde qui se dessine derrière cette transformation de la monnaie qui en fera une chose totalement virtuelle.

Le paiement est totalement dématérialisé, mais il est totalement identifié. Toutes les dépenses quelles qu’elles soient laissant désormais une trace électronique, la liberté d’aller et venir est désormais une liberté sous surveillance. Qui dira qu’il n’y a aucun risque que, demain, elle devienne une liberté sous contrôle ?

La liberté de choix est dans la nature même de la monnaie. Qui dira que, demain, elle ne soit sous contrôle électronique ? Ainsi, il devient possible d’interdire à un jeune de moins de 18 ans de payer ses achats d’alcool avec sa carte bancaire ou son Smartphone. Evidemment, il devient également possible d’interdire d’acheter un spectacle ou une publication considérés comme attentatoires à quelque grand principe. Hier, les principes étaient intangibles ; aujourd’hui, ils dépendent d’une majorité politique. Qu’y a-t-il au bout du bout de leurs mutations ?

Le pouvoir d’achat lui-même pourrait être bloqué à un certain niveau de dépense par personne, soit globalement, soit par produit. Est-ce un cauchemar ? Le rapport Meade, paru en 1978, préconisait un impôt sur la consommation dont la mise en œuvre supposait, justement, la suppression de la monnaie manuelle. Après quoi, ce n’est plus qu’une question de taux.

Encore faut-il s’assurer de la cohérence entre la personne physiquement présente et le titulaire effectif du moyen de paiement. Avec la puce intradermique, la boucle est bouclée : votre moyen de paiement, c’est votre personne même. Pratique, non ?

 

 

« Il n’y a pas d’assistance dans ce pays » : quelques exemples concrets à l’attention de Marisol Touraine

En réponse à Nicolas Sarkozy, la ministre de la Santé a déclaré qu’en France « il n’y a pas d’assistanat ». Une vision contredite par la réalité de l’Etat providence, qui propose une prise en charge à la fois excessive et démotivante à travers la CMU, le RSA, les primes pour l’emploi…

En parallèle avec Philippe CREVEL et Jean-Yves ARCHER

Pour les abonnés, l’article complet est sur Atlantico.fr du 14 avril 2015

A défaut de programme, on peut toujours chercher des marqueurs idéologiques. L’assistanat en est un. L’idée que des Français puissent jouer délibérément avec le système de protection sociale est un facteur de clivage dont la gauche se régale et qui fait mouche à chaque fois. Evidemment, on a les informations que l’on veut avoir et la mémoire de ce qui sert à son projet. Il est difficile d’être complètement objectif sur le sujet mais, du moins, on peut essayer d’avoir quelques repères.

  1. Le revenu minimum d’insertion

Lorsque qu’il a été créé, le revenu minimum était lié à l’insertion. Cela signifie clairement qu’il ne relevait pas de l’assistance, mais qu’il était attribué en contrepartie d’un service rendu à la société. Dans la logique de l’époque, au moins comme elle s’affichait, il s’agissait d’éviter que des personnes puissent perdre l’habitude de l’insertion sociale qui permet le travail. Dans les faits, l’exigence d’une action d’insertion, comme condition nécessaire pour bénéficier du revenu minimum, a été limitée par la capacité des collectivités territoriales, voire des associations, à proposer des activités d’insertion. De plus, une manifestation d’envergure (1000 personnes !) a été organisée à Perpignan parce que le Président du Conseil général, Christian Bourquin, voulait donner un caractère contraignant à cette obligation[i]. C’était oublier que, dans l’ordre marchand, il est anticonstitutionnel d’imposer quoique ce soit à quelqu’un contre sa volonté. Bref, le « i » de insertion étant contraire au principe supérieur de liberté individuelle, il était impossible de lier le revenu minimum à une contrepartie. Peut-être parce que les choses se passent entre gens de gauche, malgré cela, bien entendu, personne n’est considéré comme assisté en France.

Qu’à cela ne tienne, Nicolas Sarkozy Président revient sur le sujet. Comme il est très consciemment à la recherche d’un consensus transpartisan, il confie la question du RMI à Martin Hirsch, Président de l’Union centrale des communautés d’Emmaüs. Pour essayer de se dépatouiller du sujet, celui-ci crée une marche supplémentaire dans le processus. Le RMI devient RSA-socle – soit « revenu de solidarité active ». A dire vrai, on ne sait pas si ce sont les bénéficiaires du RSA qui sont actifs ou bien les actifs qui sont solidaires des bénéficiaires de ce minimum social. Il fut vaguement question de fusionner l’ensemble des minima sociaux mais, électoralisme oblige, personne n’a vraiment souhaité essayer mettre de la cohérence dans cet ensemble hétéroclite. Par contre, pour les foyers avec revenu d’activité, le RSA devenait « chapeau » ou « d’activité »[ii]. Autrement dit, le revenu minimum devient inconditionnel. Les bénéficiaires qui acceptent un travail ont une « prime » pour éviter qu’ils ne perdent de l’argent à travailler. Signalons que, jusqu’à cette année 2015, la prime pour l’emploi n’avait pas été fusionnée avec le RSA-chapeau !

  1. Le salaire de réservation

Il est vraisemblable qu’un citoyen normalement constitué ne voit aucun inconvénient à ce que la société vienne en aide à un autre citoyen en situation de détresse. Sur le principe, globalement, tout le monde est d’accord. Là où le bât blesse, c’est évidemment quand il s’agit de chiffrer le niveau jusqu’où il faut aider « un autre citoyen en situation de détresse ». Il y a beaucoup de paramètres pour éclairer cette décision et l’un des plus significatifs est certainement la possibilité de trouver un travail. Avec les taux de chômage que nous connaissons en France, c’est un défi difficile à surmonter, surtout pour les personnes sans qualification. Si un travail se présente malgré tout, il est à craindre qu’il s’agisse d’un travail à temps partiel, vraisemblablement sans qualification, rémunéré au niveau du SMIC. Alors, inévitablement, la question du coût d’opportunité de ce travail se pose. Certes, vous pouvez toujours dire que la personne en question aura « le pied à l’étrier », qu’elle renouera avec les attitudes qui la rendront employable – dont les contraintes horaires, qu’elle pourra se constituer un réseau, même modeste, pour rebondir. Mais, selon toute vraisemblance, elle sortira sa calculette imparfaite ou, sur un coin de la nappe, elle additionnera rapidement les moins-values en termes de prestations sociales qu’elle devra supporter si elle accepte de travailler. La durée de réservation cherche à mesurer le nombre d’heures de travail qu’il faut effectuer chaque semaine pour atteindre le niveau des prestations sociales obtenues sans travailler. Denis Anne et Yannick L’Horty ont montré que, « en 2007, en prenant en compte les transferts nationaux légaux, une personne isolée devait travailler un peu plus de 18 heures par semaine en étant rémunérée au Smic pour obtenir un revenu disponible définitivement supérieur à celui qu’elle obtenait sans revenu d’activité. Cette durée de réservation passait à un peu plus de 25 heures de Smic net si l’on prend également en compte la moyenne des droits connexes nationaux et locaux accessibles à une personne isolée »[iii]. A chacun de voir s’il est vraiment attractif de travailler 26 heures pour avoir un léger bonus par rapport à l’inactivité ! A chacun de voir s’il s’agit d’un choix « pour la paresse », comme on entend dire, ou d’un « calcul rationnel ».

  1. Pour une déclaration citoyenne

Il reste à essayer de mesurer dans quelle mesure les bénéficiaires des minima sociaux sont ou non conscients de l’effort de solidarité nationale dont ils bénéficient. Il est vraisemblable que non pour une raison très simple : même à ces niveaux de prestations sociales, il reste bien difficile de « joindre les deux bouts ». Et puis, plus prosaïquement encore, personne ne leur demande de faire l’inventaire des prestations sociales dont ils bénéficient. Pour y voir plus clair, on pourrait donc imaginer de demander à chaque citoyen de procéder à une déclaration annuelle de tous les avantages sociaux dont il ont bénéficié dans l’année[iv]. Cette déclaration pourrait avoir lieu au moment où les citoyens déclarent leur revenu d’activité. Les différentes instances qui distribuent des avantages sociaux seraient dans l’obligation d’en faire la déclaration au Ministère de l’économie et des finances, qu’il s’agisse de prestations financières ou de prestations en nature. On pourrait inclure dans ces dernières la différence entre le prix d’un logement social et le prix de marché d’un logement équivalent dans le même quartier ; on y introduirait les repas gratuits à la cantine, le transport gratuit là où il existe, etc. Evidemment, ces déclarations seraient strictement confidentielles, sans publicité aucune. Mais elles pourraient être demandées par toutes les associations dont la mission est, justement, de soulager la misère au-delà de ce la société fait dans ses instances nationales et locales. On peut imaginer qu’une telle déclaration citoyenne augmenterait la conscience que les gens ont de l’effort que les autres font pour eux. S’ils n’avaient pas cette délicatesse, alors il ne resterait plus qu’à valider la solution aujourd’hui entrevue par l’Etat du Kansas[v] : mettre une tutelle sur les revenus sociaux pour qu’ils soient dépensés de la manière la plus adéquate par les individus qui en bénéficient ! Mais, là encore, il se trouvera vraisemblablement un collectif pour déclarer cette pratique anticonstitutionnelle !

[i] http://www.liberation.fr/politiques/1998/09/21/a-perpignan-les-rmistes-echappent-au-travail-obligatoire-l-idee-avait-ete-lancee-par-le-president-du_246240

[ii] http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F502.xhtml

[iii] http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ES429F.pdf

[iv] http://www.debat2007.fr/blog/index.php?2007/03/02/401-pour-une-declaration-citoyenne

[v] http://www.liberation.fr/monde/2015/04/07/le-kansas-veut-priver-les-pauvres-de-cinema-et-de-piscine_1236599

BCE, dette, Syriza : décryptage d’une tragédie grecque

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La banque centrale européenne a décidé ce mercredi 4 février de priver les banques grecques d’une partie de leurs sources de financement. Les choses s’accélèrent : le premier ministre Alexis Tsipras est désormais entre le marteau de la BCE et l’enclume des urnes… ou inversement !

Lire la suite dans LeFigaro.fr-Vox Economie du 5 février 2015

Restructuration de la dette en Grèce : combien ça va nous coûter

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FIGAROVOX/ENTRETIEN – Syriza souhaite renégocier le montant de la dette de la Grèce, l’économiste Gérard Thoris se penche sur les conséquences qu’engendrerait une telle restructuration.

Paru dans FigaroVox du 28 janvier 2014

Les 1100 milliards de Mario Draghi : « trop peu et trop tard »

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FIGAROVOX ANALYSE – Alors que le président de la BCE a annoncé jeudi dernier un vaste programme de rachat de titres, l’économiste Gérard Thoris analyse la portée réelle de cet «helicopter money».

A lire dans FigaroVox du 26 janvier 2915

 

Pourquoi François Hollande doit rester prudent sur la croissance

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FIGAROVOX/TRIBUNE-Pour Gérard Thoris l’année 2014 fut celle où la menace de la déflation est devenue de plus en plus précise. Il rappelle que les économistes ont peu d’outils pour sortir de cette spirale.

Publié dans Lefigaro.fr du 30 décembre 2014

Le très discret mais lourd avertissement de Mario Draghi que François Hollande et le nouveau ministre de l’Économie feraient bien de méditer

Dimanche 24 août, Mario Draghi a déclaré que le manque d’ambition dans les réformes de structure menées dans la zone euro serait la cause principale du défaut d’investissement des entreprises. Une manière de rétorquer aux gouvernements qu’ils ont également une part de responsabilité dans la sortie de crise.

En parallèle avec Alain FABRE

L’article complet est sur Atlantico.fr du  27 août 2014

1) Mario Draghi a récemment réaffirmé la nécessité d’accompagner la politique d’austérité d’une politique pour la relance. En parallèle, ce dernier a également tenu à rappeler que les États étaient responsables de la capacité d’investissement de leurs entreprises. Alors que la France s’est engagée dans une relance par l’offre, et que la conjoncture politique d’un pays comme la France rend toute réforme structurelle explosive, à quel point la déclaration du patron de la BCE est-elle à prendre en considération ? 

Il n’y a aucune considération à porter aux déclarations de Mario Draghi pour un motif simple : s’il est tellement jaloux de ses prérogatives monétaires, qu’il laisse aux Etats le soin de gérer leur politique budgétaire. Plus largement, il n’a rien à dire des politiques publiques. Quant à savoir si la France s’est engagée dans une relance par l’offre, ce serait une plaisanterie si la question n’avait pas fait exploser le premier Gouvernement d’Emmanuel Valls !

 2) Après six années d’austérité imposée, l’Europe reste la zone économique où la croissance est la plus faible dans le monde. N’y a-t-il pas dans la déclaration de Mario Draghi le souci de partager, voire de défausser l’institution qu’il représente de cet échec ?

Mari Draghi est le second responsable de la situation économique de la zone euro, après Jean-Claude Trichet ! Depuis quatre ans, l’idée d’une remise des dettes publiques organisée par la Banque centrale européenne aurait dû être reprise par l’ensemble des économistes et des hommes politiques comme la condition nécessaire, mais non suffisante, d’une sortie de crise. Le potentiel de croissance des dépenses publiques financées par la dette est aujourd’hui largement épuisé. Cela veut dire que les dettes publiques n’ont plus de collatéraux. L’avenir de la zone euro est donc d’utiliser les progrès de productivité donc les fruits de la croissance, pour enrichir les créanciers, via les banques. Cela n’aurait pas été le cas si les Etats avaient pu se financer directement auprès de la Banque centrale européenne, comme aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, qui partagent avec l’Allemagne le fait d’avoir un taux de chômage à 6,5 % !

 3) Mario Draghi fonde son observation sur le fait que les banques européennes sont bien dotées en capacité de financement – par la BCE -, mais qu’elles ne prêtent pas aux entreprises à cause du manque de compétitivité de celles-ci. C’est à dire que la BCE remplirait sa part du contrat pour la relance de la zone euro, et non les états. En quoi cela s’apparente davantage à une posture politique qu’à une position purement économique ?

 Pas de problème, Mario Draghi a compris qu’il ne lui serait pas pardonné de faire tomber un Gouvernement. Il faut donc que les banques aient assez de liquidités pour financer l’accroissement des dettes publiques. Certes, il ne prête qu’à court terme (trois ans pour les VLTRO – very long term (sic) refinancing operation) et donc il faut inventer de nouveaux instruments d’intervention – les T-LTRO pour targeted long term refinancing opération).

Ces nouvelles opérations de refinancement seront conditionnées par le fait que les banques auront effectivement augmenté leurs prêts au secteur privé non financier (hors prêts immobiliers). On pourrait considérer que c’est un progrès si la véritable nature d’un credit Crunch n’était pas la faiblesse de la demande de crédit – et non pas celle de l’offre. En d’autres termes, les entreprises sont dans une phase de désendettement triplement motivé. Premièrement, en s’attaquant frontalement aux pigeons et autres volatiles, François Hollande a laminé les fonds propres et brisé la confiance des entrepreneurs ; deuxièmement, avec la baisse des prix de gros, les taux d’intérêts réels sont plus élevés qu’il n’y paraît, surtout si l’endettement sert à acquérir des actifs dont le prix pourrait baisser ; troisièmement, par définition, toute diminution des déficits publics se traduit par une réduction de la demande. Voilà trois raisons qui justifient l’attentisme des entrepreneurs. Il est d’ailleurs symptomatique que les pouvoirs publics ne disposent plus que de la culpabilisation : « Le pacte, c’est un contrat dans lequel chacun doit respecter ses engagements » nous dit François Hollande le 21 août dernier. Il oublie que le Pacte de responsabilité est un contrat léonin, imposé plus que négocié par la puissance publique. Il ajoute : «  le gouvernement a tenu (ses engagements) », soit une promesse de réduction des charges sociales, pourtant remise en cause par le Conseil constitutionnel. Et il conclut : « j’attends du patronat qu’il aille jusqu’au bout de la logique du pacte »…

 4) Le consensus de Washington de 1998, d’où ont découlé les mesures à prendre pour redresser les états en faillite – mesures adoptées par le FMI par exemple – insiste également sur la nécessité des réformes structurelles, mais d’une manière beaucoup plus lissée dans le temps, moins effrénée que ce que demande la BCE. Quel élément permet de justifier cette différence ?

 Le Consensus de Washington n’a rigoureusement rien à voir avec la situation présente de la France : personne ne conditionne les prêts bancaires à la puissance publique par des réformes structurelles. Certes, il est arrivé que Mario Draghi parle de réformes structurelles mais pas plus qu’aucun des amis de la France, dont Gerhard Schröder ! Tous se sont fait tancer par le président de la République française qui a une conception bien personnelle des réformes. Ainsi, dans la déclaration déjà citée du 21 août dernier, il explique que « le patronat doit comprendre qu’une meilleure représentation des salariés dans les PME est indispensable ». Il va certainement devoir se mettre d’accord avec son nouveau ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique. En tant que rapporteur du rapport Attali[i], il écrivait qu’il fallait « mettre en place une représentation unique dans toutes les PME de moins de 250 salariés, sous la forme d’un conseil d’entreprise exerçant les fonctions du comité d’entreprise, des délégués du personnel, des délégués syndicaux et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Ce conseil d’entreprise serait le lieu privilégié de la négociation » (décision 37, p. 54). Ce ministre n’a pas besoin de nommer une commission pour savoir de quelles réformes la France a besoin, il en a déjà écrit lui-même le contenu en 316 décisions. S’il est amnésique, il pourra toujours en remettre un exemplaire sur sa table de chevet.

5) Au-delà des dogmatismes, l’hypothèse d’une relance de l’investissement par une détente monétaire, comme la dévaluation de 20% qu’a connu la Suède, ou encore le Canada et la Corée dans les années 1990 est-il vraiment inapplicable pour la zone euro? En quoi?

La dévaluation sans réformes structurelles est simplement un coup d’épée dans l’eau ou une bouffée d’oxygène pour le noyé. Le précédent qu’il faut méditer est celui de la dévaluation de 1958, décidée par le Général De Gaulle sous l’influence de Jacques Rueff. Celui-ci préconisait le retour à l’équilibre budgétaire, la lutte contre les rigidités intérieures et l’acceptation pleine et entière des contraintes du marché commun. Paul Mentré explique que la question de la réussite de ce plan a naturellement été posée dans un galop d’essai à l’ENA en 1959. Et il observe : « Ont eu des notes très moyennes ou médiocres, tous ceux dont la réponse est positive. Selon (la correction officielle), on allait vers une déflation de type keynésien. La dévaluation allait nourrit l’inflation. Les industries temporairement dopées par la dévaluation retrouveraient bien vite leurs difficultés et il faudrait, dans six mois, relancer la consommation, recontingenter les importations… »[ii].   Nos élites ont-elles beaucoup changé ?

6) Si les entreprises françaises souffrent effectivement d’une réglementation trop importante, ainsi que le poids du financement des dépenses publiques à travers l’impôt et les prélèvement, quels sont les autres causes du manque de confiance des banques envers les entreprises ?

 Rien ne dit que les banques n’aient pas confiance dans les entreprises. Elles gèrent au mieux l’argent dont elles disposent et le métier des banques de dépôts n’est pas de prendre des risques mais d’assurer la liquidité de l’entreprise. Or, même dans cette fonction, elles sont obligées de tenir compte du fait qu’elles peuvent ne pas être remboursées. Supposons qu’une banque se retrouve en situation d’illiquidité du fait même de prêts exagérément tolérants à des entreprises fragiles, l’opinion publique aura tôt fait de se retourner contre les banquiers qui ont manqué de prudence dans la gestion des fonds qu’on leur a confiés. Il faut sans cesse rappeler que, dans une économie d’individus libres et responsables, personne n’a le droit de prendre des risques avec l’argent des autres sans l’avoir dûment prévenu. La meilleure façon d’être prévenu des risques que l’on prend avec son propre argent, c’est de créer une entreprise, de contribuer aux fonds propres d’une start-up (Business Angels) ou d’acheter des actions. Mais, pour cela, il faut encore que la fiscalité vous laisse la possibilité de constituer un capital !

[i] 300 décisions pour changer la France, Paris, La Documentation française, 2008

[ii] Institut Charles De Gaulle (1986), 1958, la faillite ou le miracle. Le plan De Gaulle-Rueff. Actes du colloque tenu par l’Instutit Charles de Gaulle sur « le redressement financier de 1958 », Paris, Economica

La mondialisation de l’indifférence

Publié dans La Croix du 17 mars 2014

Avec le sens de la formule qui est le sien, le pape François fustige « la mondialisation de l’indifférence »[i]. A l’heure du village planétaire[ii], cette affirmation a de quoi surprendre. Les échanges de biens et de services, dont le tourisme, n’ont-ils pas rapproché les hommes plus qu’à toute autre époque ? C’est une évidence pour les libéraux, au sens économique du terme, ainsi qu’en témoigne la vision de Richard Cobden, celui-là même qui négocia le Traité de libre-échange entre l’Angleterre et la France en 1860 : « Je vois le principe du libre-échange jouant dans le monde moral le même rôle que le principe de la gravitation dans l’Univers : attirant les hommes les uns vers les autres, rejetant les antagonismes de race, de croyance et de langue ; nous unissant dans les liens d’une paix éternelle »[iii].

L’avers de cette formule programmatique, c’est que les préjugés (sur la race, la croyance, la langue) passent derrière la coopération économique. Le revers, c’est que le commerce devient fondement du lien social. Le libéralisme économique basé sur le lien marchand exclusif produit une forme d’indifférence à l’autre. A. de Tocqueville l’avait noté : « le cœur ne s’agrandit et l’esprit humain ne se développe que par l’action réciproque des hommes les uns sur les autres »[iv]. Or, dans le principe, il n’y a aucune forme de relation interpersonnelle derrière l’échange marchand. L’analyse du Pape François ne fait qu’expliciter ce dessèchement : « presque sans nous en apercevoir, nous devenons incapables d’éprouver de la compassion devant le cri de douleur des autres […], leur prêter attention ne nous intéresse pas, comme si tout nous était une responsabilité étrangère qui n’est pas de notre ressort ».

Mais il faut aller plus loin. Cette première interprétation de « la mondialisation de l’indifférence » montre que la mondialisation économique ne permet pas cette rencontre personnelle qui nourrit le cœur et élève l’âme. Une seconde interprétation est possible : l’indifférence sociale s’est constituée au sein des économies développées ; elle se répand comme un modèle au niveau du monde ; en cas de besoin, elle renoue avec les frontières économiques pour protéger ce qu’il est convenu d’appeler notre « modèle social ».

Ce peut être un paradoxe pour beaucoup, mais l’Etat-Providence est certainement la cause matérielle de cette indifférence. Comme le dit Pierre Rosanvallon, « l’Etat-protecteur ne peut se construire qu’en dégageant de plus en plus les individus des groupes sociaux réels (famille élargie, relations de voisinage fondées sur le troc, etc.) dans lesquels sont encastrés les échanges économiques qu’il ne saisit pas ». En voie de conséquence, « une conception étatique de l’assistance est le corollaire de l’individualisme le plus radical en matière de relations sociales »[v].

Ce modèle qui confie à l’Etat l’interface entre les hommes permet effectivement de dégager chacun du fardeau de son frère. Le malade a la sécurité sociale, le chômeur Pôle Emploi, le SDF le RSA socle et le Samu social. Personne ne doit rien à personne de manière directe et sensible. L’idée même que quelqu’un puisse être débiteur pour l’aide reçue est remise en cause par le principe de « droits-créances », comme le droit au logement.

Cependant, cette construction historique de l’Etat-Providence réintroduit les frontières que le libre-échange visait à supprimer. On accuse ainsi de dumping social les pays qui fondent encore la solidarité sur les « groupes sociaux réels ». Et il se trouve des relais pour porter ces revendications au niveau politique.

Force est pourtant de reconnaître que, si l’on refuse pour ce motif les produits des pays moins développés, il faut en toute conscience accepter, soit l’immigration, soit le transfert d’épargne vers les pays pauvres. Si l’on refuse les deux, on se trouve sans doute sous le jugement du pape François : « pour pouvoir soutenir un style de vie qui exclut les autres, […] on a développé une mondialisation de l’indifférence ».

Certes, il existe une multitude d’initiatives de solidarité qui visent justement à maintenir ou à renouer ces liens sociaux concrets. Mais il faut savoir qu’ils ont à lutter contre le modèle dominant. Comme le disait Tocqueville dans le même élan : « j’ai fait voir que cette action (réciproque des hommes les uns sur les autres) est presque nulle dans les pays démocratiques. Il faut donc l’y recréer artificiellement. Et c’est ce que les associations peuvent faire ». Si nous y ajoutons l’amour de Dieu répandu dans les cœurs[vi] comme principe opératoire, nous avons la charité.

[i] Exhortation apostolique La joie de l’Évangile, § 54

[ii] Expression de Marshall Mac Luhan, Pour comprendre les Média, 1967

[iii] Discours prononcé à Manchester en 1846, cité par Paul Bairoch, Commerce extérieur et développement économique, Paris, Mouton

[iv] De la démocratie en Amérique, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1992, p. 623-624

[v] La crise de l’Etat-Providence, Paris, Seuil, 1981, p. 44 et 45.

[vi] Saint Paul, Epître aux Romains, 5, 5